Voici le programme et l’affiche du week-end des 17 et 18 juin suite à l’appel 50 ans après, que nous dit aujourd’hui la lutte des Lip :


Voici le programme et l’affiche du week-end des 17 et 18 juin suite à l’appel 50 ans après, que nous dit aujourd’hui la lutte des Lip :
Suite à sa rencontre avec Elisabeth Borne le 17 mai 2023, la direction de la CGT a fait une déclaration, dont voici les principaux extraits, après y avoir rappelé son opposition à la réforme sur les retraites :
« Ce rendez-vous a été aussi l’occasion d’aborder les sujets de préoccupation majeurs des salariés·es et notamment :
– l’augmentation des salaires grâce à leur indexation sur l’inflation ;
– la révision des ordonnances Macron ;
– la conditionnalité des aides publiques aux entreprises ;
– la réduction du temps de travail ;
– l’égalité salariale et la lutte contre les violences sexistes et sexuelles au travail.
La CGT a rappelé son exigence de négociation tripartite sur les demandes syndicales. L’agenda social est celui des syndicats, pas celui du gouvernement ou du patronat. L’intersyndicale présentera donc le 30 mai ses premières propositions communes.
Nous ne voulons plus de mesures en coquille vide. Nous refuserons également de discuter sur la base d’un agenda patronal ou gouvernemental régressif.
Ce rendez-vous de « dialogue social » s’est avéré être un monologue patronal. »
Dans un précédent article en ligne « Y aller ou pas ? », on avait défendu une réponse positive, à condition d’une position claire sur la méthode et le cadre des rencontres avec le gouvernement.
La déclaration de la CGT ci-dessus va dans le sens de cette clarification, qui a manqué dans les dernières années, au moins. Nous étions habitué.es à voir la direction de la CGT se rendre à ces rencontres, et parfois à ne pas y aller, mais pour des raisons tenant plus à leur contenu qu’à leur cadre.
Ici la direction confédérale semble formaliser des critères que l’on ne peut que saluer : « exigence de négociation tripartite », « L’agenda est celui des syndicats », refus de « discuter sur la base d’un agenda patronal ou gouvernemental régressif ». Ce sont des critères qui dessinent une position qui commence à tourner le dos au « dialogue social ». On peut les résumer par : on arrête de perdre notre temps dans des réunions qui ne débouchent sur aucun texte normatif, qui oblige à faire ; on arrête de se laisser imposer dans les réunions un ordre du jour régressif pour les salarié.es.
Est-ce que cette position sera tenue dans la durée ? Est-ce qu’elle va faire école dans l’ensemble des structures de la CGT, des syndicats aux fédérations, en passant par les comités régionaux et unions départementales ? Est-ce qu’elle sera élargie à l’ensemble des activités de la confédération CGT ? Parce que si c’est le cas, et cela devrait l’être si on compte vraiment tourner le dos au « dialogue social », il y a du boulot en perspective … ! Ce serait là aussi un axe d’unité d’action possible à débattre avec d’autres organisations du syndicalisme de lutte, comme Solidaires et la FSU.
Michel T (militant UL-CGT)
Au sommaire du numéro de juin 2023 qui va être routé :
→ Renforcer notre force collective (éditorial)
→ Intervention de Sara Selami (SSTI) au congrès de la CGT
→ Compte-rendu de l’AG des Amis de La RP
→ 10 ans de Réseau syndical international de solidarité et de luttes : Interview de Christian Mahieux
→ Accord entre les organisations anarcho-syndicalistes de l’État espagnol, CGT, CNT, Solidaridad Obrera : historique ? (C.M.)
→ Syndicalisme de classe ? (M.T.)
→ 9ème congrès de la CGT Educ’Action 93 (M.T.)
→ Il y a … 86 ans dans La RP : Les révolutionnaires espagnols et la guerre (P.C.)
→ Notes sur les grèves et manifestations en mars (C.M.)
→ « Le » gréviste « espagnol » est avant tout une femme basque (C.M.)
→ 50 ans après, ce que nous dit aujourd’hui la lutte des Lip
→ Une commission syndicalisation à Solidaires 35 (K.)
→ La FSM – Maladie infantile du syndicalisme ou stade final du syndicalisme de compromission ? (P.C.)
→ Combat pour l’histoire (A.G.)
→ S’il est 23h 55 dans le siècle (P.L.)
→ 80ème anniversaire de la disparition de Gilbert Serret
→ Entretien avec Guillaume Goutte, auteur de Dix questions sur le syndicalisme
→ Livres : La Bataille de la Sécu (P.B.); Combattre pour l’Ukraine (P.T.); L’Antisémitisme dans la Révolution russe (1917-1920) (S.J.); Bakounine – Marx. La grande discorde (C.M.); La révolution comme horizon. Syndicalistes révolutionnaires, communistes et libertaires en Anjou (1914-1923) (C.M.). La collection Repères historiques (C.M.).
→ L’aventure « humanité » : Entre qui, entre quoi la guerre a-t-elle lieu ? (J.D.)
→ Lettre d’Amérique : Un sombre bilan (D.B.)
→ encarts : Sur notre blog | Sur internet | Exposition | Souscription permanente; La RP et vous…
L’abonnement est toujours à 23€/an pour 4 numéros, livrés sous enveloppe fermée. Il commence au routage suivant la réception du chèque. Nous ne servons pas au numéro mais déposons un peu à la librairie Publico à Paris.
Nos amis et camarades des Éditions syndicalistes publient un nouveau livre : Régime Général ébauche une proposition de Sécurité sociale de l’alimentation. Il rend tangible et désirable un système alimentaire postcapitaliste qui contribuera à la lutte contre le patriarcat et le néocolonialisme, et donne des pistes revendicatives à tou⋅tes les militant⋅es sur le sujet de l’alimentation, en tant que salarié⋅es de la branche ou que consommateur ou consommatrice. 120 pages. 5 € (commande en ligne).
Laura Petersell et Kévin Certenais sont militant·es de l’association d’éducation populaire Réseau Salariat.
(contribution à la discussion)
Au moment d’écrire cet article, la nouvelle journée de grève et de manifestations du 6 juin contre la réforme sur les retraites n’aura pas encore eu lieu, ni le vote à l’Assemblée nationale sur la proposition de loi du groupe LIOT pour abroger la loi passée par le 49.3.
Mais on tentera quand même quelques commentaires sur la question que tout le monde attendait, celle de savoir s’il fallait « y aller ou pas », c’est-à-dire accepter ou pas de reprendre les discussions avec le gouvernement sur d’autres sujets que sur la retraite, après la sortie de l’intersyndicale suite au refus de la Première ministre d’aborder la loi sur la retraite à 64 ans. Trahison ou pas ?
Les conditions de la CFDT
Les déclarations de Laurent Berger à la veille du 1er mai se déclarant favorable à la reprise des discussions sur d’autres thèmes, sont dans la logique des choses. Invité à l’émission Quotidien sur la chaîne TMC le 1er mai, Laurent Berger a précisé deux choses, réitérées le lendemain sur La Chaîne Parlementaire.
La première est que selon lui, même si les organisations syndicales divergent sur plusieurs questions, il serait possible de trouver des positions communes, notamment sur : les salaires et les minima de branche, les conditions de travail et son organisation, et même les ordonnances Macron de septembre 2017, contre lesquelles la CFDT n’a pas même tenté de mobiliser … ni fait un retour critique sur son position.
Une intersyndicale au complet sur des sujets concrets, comme par exemple remettre en cause les ordonnances Macron de septembre 2017, est-elle possible ? On ne peut l’écarter par principe, mais a priori cela semble difficile. A la CFDT avant tout d’en faire la démonstration … Un autre exemple, celui de la « répartition de la valeur ». Un Accord national interprofessionnel (ANI) a été signé entre CFDT, FO, CFTC et CGC et le patronat. La CGT a refusé de le signer, car l’essentiel de son contenu tourne autour de mesures financières (comme l’intéressement et la participation) qui s’opposent à des augmentations de salaires, et donc à exonérer encore une fois le patronat de cotisations sociales, qui restent la base du financement de la Sécurité sociale, et donc aussi de la retraite … Ces quatre confédérations ont donc signé un ANI en contradiction directe avec leurs discours sur le financement de la retraite !
La seconde chose que Laurent Berger a avancée est que discuter avec le gouvernement sur d’autres thèmes que la retraite ne pourra se faire qu’à condition que l’exécutif accepte une autre méthode que celle appliquée jusque-là. Que l’essentiel, sur chaque thème, ne soit pas a priori hors champ du débat : ne pas laisser des miettes aux syndicats.
Et le syndicalisme de confrontation sociale ?
C’est là directement que se pose la question pour le pôle syndical de confrontation sociale, « y aller ou pas » ? Est-il tenable de dire : « plus aucune discussion avec le gouvernement, sur aucun sujet que ce soit, tant que la loi sur la retraite à 64 ans ne sera pas retirée ou non mise en œuvre » ? Cela n’a pas de sens. Car alors pourquoi exonérer le patronat ? Il faudrait, pour être cohérent, refuser aussi toute négociation avec le patronat, au niveau interprofessionnel, sur tous les sujets tant que la loi des 64 ans ne sera pas mise à terre.
L’intersyndicale tente de gérer non pas une fin du conflit sur les retraites, mais une sorte de suspension, un atterrissage sans trop de secousses… Le niveau du rapport de force n’a pas été suffisant, par l’absence d’une grève suffisamment massive et reconductible. Les dernières journées de mobilisation se situent toujours à un niveau élevé par rapport à la dernière décennie, mais la fatigue et l’usure des équipes militantes sont devenues évidentes. Donc elle continue à se raccrocher à des logiques institutionnelles (décisions du Conseil constitutionnel, motion de censure, vote sur une proposition de loi) pour faire de la gestion. Et on lit et on entend alors le florilège classique de la « trahison des bureaucraties syndicales », etc. Celles et ceux qui excellent dans cet exercice, que proposent-ils/elles, qui prenne vraiment en compte les coordonnées de la situation réelle, et non pas fantasmée ? Comme c’est le concours Lépine en ce moment, peut-être qu’une idée géniale viendra …
Le critère de méthode posé par Laurent Berger est un bon critère. Peu importe que ce soit le secrétaire général de la CFDT qui l’ait mis en avant. Il faut le prendre au mot pour le coup, mais aussi pour tous les autres coups, et partout ! Faut-il occuper cette chaise ou pas qu’offrent à un moment donné les rapports sociaux institutionnalisés, et les instances permanentes qui en sont issues ? Car ce qui est paradoxal, c’est que l’exigence de méthode par Laurent Berger est l’exacte définition du refus du « dialogue social ». Celui-ci est l’essence même de l’institutionnalisation du syndicalisme. Celle-ci n’est pas le fait que les confédérations participent à des organismes et à des instances où se retrouvent Etat et patronat avec les syndicats. C’est le fait de se retrouver dans ces lieux où ce qui en ressort n’engagera personne, et donc ne nécessite aucun rapport de force de la part des syndicats pour empêcher un recul, pour gagner des droits et des acquis supplémentaires, avec des « règles du jeu » claires au préalable. Et Laurent Berger de dire publiquement, et avec fermeté, que son organisation veut faire l’inverse de ce qu’elle pratique tous les jours, face aux gouvernements successifs (mais qu’elle n’a pas réussi à obtenir de la part de Macron …) et au patronat. On ne demande qu’à voir !
Oui, cela fait partie du combat du syndicalisme de confrontation sociale de gagner la construction de lieux où l’on négocie pour obtenir des accords favorables au monde du travail et à la population, qui ne sont que des armistices avant de repartir à la bataille Et ils sont favorables si ce syndicalisme aura réussi à se présenter avec un rapport de forces suffisant, qui se mesure d’abord à son ancrage sur les lieux de travail, à y faire vivre l’action syndicale et le militantisme, ce qui tient à ses propres capacités d’abord. Et donc à être majoritaire face au pôle du syndicalisme d’accompagnement des reculs sociaux et du dialogue social.
Il n’y a rien de scandaleux ici, cela se passe dans les entreprises, dans les branches, et donc aussi au niveau interprofessionnel où les interlocuteurs sont le gouvernement, mais aussi le patronat. Ces règles de la négociation sont elles-mêmes le fruit d’un compromis issu d’une négociation faisant suite à un rapport de forces, etc. Et tant que le rapport de forces n’est pas porté à un niveau bien plus élevé, comme lors d’une grève de masse reconductible, prenant un caractère de crise politique profonde, ce seront ces règles que les syndicats appliqueront pour améliorer le quotidien de notre classe sociale. Il n’y a pas à s’en offusquer. On n’impose que ce que l’on est en capacité d’imposer. Négocier n’est pas trahir, tant que le moment où l’on décide de négocier n’est pas choisi volontairement pour briser une mobilisation. Ce n’est pas une science exacte, on peut se tromper, on se trompe tous les jours. Il est assez facile de déterminer quand il y a volonté de casser la lutte. Mais il est parfois compliqué de savoir quand le rapport de force a atteint son point culminant. Négociation et dialogue social sont opposés. Pour le syndicalisme de confrontation sociale, la négociation est une étape, un moment dans le processus constant de la construction du rapport de force.
La question ici est de savoir à quel niveau est le rapport en ce moment, en l’absence de grève, mais où la colère continue à s’exprimer massivement, et où l’intersyndicale existe encore. Est-ce que ce sera suffisant pour gagner du vrai contenu face au gouvernement sur des sujets hors question des retraites ? Il y a ici de quoi donner une perspective à l’intersyndicale, à condition qu’elle puisse trouver un vrai contenu revendicatif. On sait que là on peut sérieusement douter. Mais on espère être surpris. Combien avaient prédit la sortie du pôle syndical d’accompagnement, CFDT en tête, de l’intersyndicale au bout de quelques semaines ?
Déserter totalement le dialogue social
C’est donc tout l’inverse du « dialogue social », et c’est cela qu’il faut marteler, sur quoi il faut former les équipes syndicales, en faire un des piliers du modèle syndical de confrontation sociale : il faut déserter le dialogue social ! Laisser vides ses chaises qui nous sont offertes ! Cette cohérence, ce pôle syndical doit l’affirmer dans l’intersyndicale. Mais plus encore, il doit se l’appliquer à lui-même dans toutes ses activités. Et là, il y a une sérieuse remise en cause à faire. Car si le « dialogue social » ne caractérise pas le pôle du syndicalisme de confrontation sociale, il le pratique tout de même à une certaine échelle, dans certaines entreprises et établissements, les plus grandes, dans les branches, et au niveau interprofessionnel. Comme seul exemple on donnera la participation des huit organisations syndicales, et donc aussi de la CGT, la FSU et Solidaires, au Conseil économique, social et environnemental (CESE), et se déclinaisons régionales (CESER). Mais on sait que là (notamment pour la CGT qui y trouve des moyens financiers pour faire exister plusieurs de ses Comités régionaux) et ailleurs, les enjeux financiers ne sont pas négligeables, posant la question du modèle syndical défendu.
Donc oui, il faut « y aller », mais avec un critère clair et cohérent, et qui engage, non seulement lorsque le gouvernement rencontre les organisations syndicales, mais partout ailleurs où le syndicalisme de confrontation sociale se trouve à représenter les salarié.es et la population. Et donc sans plus tarder, il doit se transformer pour répondre à la réalité du salariat d’aujourd’hui, faire exister et organiser le syndicalisme sur les lieux de travail, et s’unifier. Sans quoi, même avec un critère correct, il restera incapable de gagner sur des revendications centrales au niveau interprofessionnel.
Michel T (militant UL CGT)
(…) A l’occasion du 1er mai, journée internationale de solidarité, nous vous renouvelons notre soutien sans faille dans l’éprouvant combat que vous menez pour la liberté de toutes et tous, pour la dignité des travailleuses et des travailleurs, pour le respect des Droits Humains. Nous condamnons avec force cette répression insupportable
Télécharger ci-dessous au format pdf:
Hommage aux insurgé·es du ghetto de Varsovie
Dimanche 16 Avril 2023 – 14h30 – Place de l’Hôtel de Ville- Paris
(à l’initiative du Réseau contre l’Antisémitisme et tous les Racismes)
Lors de l’hommage du 16 avril Interviendront notamment : Aleksander Edelman (fils de Marek Edelman, dirigeant de la révolte du ghetto, dont les Carnets retrouvés viennent de paraître aux Éditions Odile Jacob); Zoé Grumberg, historienne; André Markowicz, auteur et traducteur. La mémoire des victimes de tous les génocides sera étroitement associée à cet hommage par la présence et l’intervention de représentants Tutsi, Arméniens et Ukrainiens.
Des moments musicaux accompagneront le rassemblement.
Cet hommage est déjà soutenu par de nombreuses associations et organisations : Ligue des Droits de l’Homme ( LDH) ; IBUKA (rescapés du génocide des Tutsi) ; Collectif VAN (vigilance arménienne contre le négationnisme) ; Union des Ukrainiens de France (UUF), Assemblée Citoyenne des Originaires de Turquie (ACORT) ; Alliance des Femmes pour la démocratie ( AFD) ; Collectif national Droit des Femmes ; Fédération Syndicale Unitaire (FSU) , Juives et Juifs Révolutionnaires (JJR); Organisation Révolutionnaire Antiraciste Antipatriarcale Juive (ORAAJ) ; JCall ; La Paix Maintenant ; Collages féministes juif-ves Marseille ; Collages Judéités Queer ; Association Fonds Mémoire Auschwitz (AFMA) ; Union des Étudiants Juifs de France (UEJF) ; Union des Juifs pour la Résistance et l’entraide ( UJRE) ; Club laïque de l’enfance juive ( CLEJ); Les Guerrières de la Paix ; Memorial 98 ; La Horde ; Editions Antoinette Fouque ; Amis de la Révolution prolétarienne (revue) ; Les éditions syndicalistes ; Vigilance et Initiatives Syndicales Antifascistes (VISA) ; Gauche Démocratique et Sociale (GDS) ; ENSEMBLE ! ; Mouvement des Progressistes (MDP)
Depuis le passage en force à l’Assemblée avec le 49.3, la mobilisation a passé un nouveau cap. Une phase de multiplication des actions de blocage a commencé. Ce qui frappe, c’est que ces actions plus radicales n’ont pas été le fait, comme on le voit souvent, d’une minorité irréductible qui reste dans la lutte en fin de mouvement. Au contraire, on a assisté depuis janvier 2023 à une montée en pression, par paliers, qui n’a laissé aucun·e des acteur·e·s de la mobilisation sur le côté. Bien entendu, certaines composantes de l’intersyndicale n’ont pas suivi cette voie, voire l’ont désapprouvé, mais sans jamais remettre en cause le cadre unitaire de mobilisation qui fait alors office de « minimum syndical »: « libre à chacun·e d’aller plus loin ».
Et nous ne nous en sommes pas privé·e·s, à tous les niveaux: depuis maintenant une dizaine de jours, nous avons su multiplier les actions avec inventivité et régularité. Barrages filtrants, opérations escargot, filtrages de ronds-points, opérations ville morte, déambulations, blocages de routes ou de centres logistiques… La liste des actions, démultipliées sur tout le territoire, des grandes villes aux plus petits bassins d’emploi, est impressionnante et a largement permis de fragiliser encore un peu plus un pouvoir déjà chancelant. Il faut souligner que l’initiative de ces actions (à l’exclusion des manifestations sauvages du soir, encore que beaucoup aient fait suite à ce qui était à l’origine des rassemblements tout ce qu’il y a de plus syndicaux) vient le plus souvent des structures syndicales elles-mêmes, Unions départementales ou locales, fédérations, syndicats…
***
On est loin d’un «dépassement par la base» tel qu’invoqué parfois abstraitement, puisque ces initiatives ont été encouragées au niveau confédéral et bien souvent impulsées et organisées par les structures territoriales ou fédérales. Cela n’est pas étranger à leur démultiplication, à leur fréquence et à leur ampleur: la preuve a été faite que pour tout diminué qu’il soit, le tissu syndical conserve une certaine capacité de mobilisation de ses militant·e·s, pour peu qu’il s’en donne les moyens. Mais pour tout spectaculaire que soit ce durcissement de la conflictualité, force est de constater qu’il n’implique qu’une partie très minoritaire des participant·e·s aux manifs (qui sont, elles, plus massives que jamais, comme on l’a vu le jeudi 23 mars), et plus encore si l’on se place à l’échelle du salariat tout entier.
Les limites de cette stratégie commencent donc à se faire sentir. Les actions de blocage, dans leur grande majorité, ne sont pas des actions constructives. Elles ont une efficacité sur le moment, mais n’augmentent pas en soi le niveau de mobilisation. Pour qu’un blocage perdure, pas le choix: il faut re-bloquer. Puis rebloquer encore, jusqu’à épuisement. Ça ne marche qu’un temps, par définition. Le blocage est une action à rendement décroissant: le premier jour, il y a l’enthousiasme de la nouveauté, l’effet de surprise, la rencontre de militant·e·s d’horizon divers… Mais s’il faut durer, alors s’installe la routine, l’épuisement, la répression policière… et pas de forces nouvelles pour prendre le relais. Le blocage, c’est souvent l’entre-soi des (plus) mobilisé·e·s.
Même porté par les syndicats à une ampleur inédite, le contournement de la grève par le blocage ne marche qu’un temps. Pour avancer, il n’y a pas le choix: il faut la grève. Et trop d’actions de blocage sont complètement déconnectées de toute ambition de la construire.
***
Il ne s’agit pas d’opposer tous les blocages à la grève. D’abord parce qu’une action symbolique réussie donne confiance, visibilise la lutte, fait se rencontrer des militant·e·s qui rentrent remotivé·e·s. Le blocage du périphérique parisien dès le 17 mars, mobilisant plus de 400 militant·e·s en trois points différents, a ainsi été une démonstration de force et un tremplin pour la suite de la mobilisation.
Ensuite, parce que le blocage fait partie du panel d’action de solidarité interpro à mobiliser en soutien à la grève. Que ce soit dans le secteur des déchets ou dans les raffineries, les blocages réalisés avec l’appui d’autres professions en luttes et d’étudiant·e·s ont permis d’afficher un soutien massif aux grévistes et de faire face aux réquisitions.
Mais on a aussi vu trop de blocages «gratuits»: des sites bloqués sans même prévenir le syndicat à l’intérieur de la boîte; d’autres où le blocage génère une longue file d’attente de camions, l’occasion rêvée d’aller discuter de la grève avec tous et toutes les salarié·e·s d’un secteur stratégique… Mais personne n’a pensé à amener un tract, et d’ailleurs personne ne semble vraiment avoir envie d’aller discuter avec ces salarié·e·s non-grévistes: c’est plus confortable de rester agiter nos drapeaux entre convaincu·e·s… On pourrait multiplier les exemples d’actions qui tournent en boucle (pas toutes heureusement, certaines sont menées en appui à une stratégie de grève), qui donnent la satisfaction de « faire quelque chose » mais n’augmentent nullement les chances que d’autres « fassent quelque chose » à leur tour le lendemain. D’autant qu’elles mobilisent souvent beaucoup de militant·e·s, qui pourraient parfois employer cette énergie ailleurs ou de manière mieux coordonnée.
***
La preuve en a été faite à de multiples reprises: que l’on appelle à «mettre la France à l’arrêt» le 7 mars, que l’on démultiplie les actions symboliques, que l’on proclame qu’il n’y aura «plus de règles» si le gouvernement utilise le 49.3, nous n’avons pas bloqué l’économie. Et pour y arriver, on ne pourra pas faire l’économie du travail de construction de la grève. Car il n’y a pas de grève sans discussion avec les salarié·e·s.
Les blocages font totalement partie du répertoire d’initiatives à utiliser, mais ils doivent être ciblés et préparés dans ce but (tract préparé en direction des salarié·e·s visé·e·s, prises de contact préalables, suivis et communications…). Et ils ne doivent pas être utilisés par défaut, au détriment des autres outils à notre disposition. L’essentiel est d’arriver enfin à s’adresser aux salarié·e·s non grévistes, que ce soit sur nos lieux de travail ou là où nous n’avons pas d’implantation. Ces lieux sont beaucoup plus nombreux que les seuls sites stratégiques souvent ciblés: parfois, s’adresser aux salarié·e·s n’implique pas de les bloquer, comme dans le commerce.
Partout où nous sommes allés à la rencontre des salarié·e·s, l’accueil a été excellent: ils et elles sont toujours heureux de recevoir la visite de syndicalistes, de découvrir qu’ils et elles ont le droit de faire grève et sans préavis, que leur opposition (fréquente) à la réforme peut s’exprimer par la grève même s’ils/elles travaillent à quelques salarié·e·s dans une petite boutique, etc. C’est peut-être moins immédiatement satisfaisant et moins spectaculaire qu’un blocus matinal. Mais c’est payant sur le moyen terme (sans parler du renforcement du syndicalisme pour la suite, quelle que soit l’issue du mouvement), et au moins tout aussi gratifiant, par la conscience de classe interpro que cela génère, des deux côtés. C’est aller à la rencontre d’une facette massive mais trop oubliée du prolétariat contemporain, dont la participation à la grève n’est pas une option pour la victoire de tous et toutes. A nous de faire preuve d’inventivité, et d’imaginer aussi des initiatives qui permettent de rompre avec l’image du vieux tractage poussiéreux: déambulations joyeuses dans un centre commercial, cantine à prix libre sur une zone industrielle, tournée syndicale massive et simultanée sur plusieurs sites, etc.: tout est bon à prendre, pourvu que ça permette de discuter et de transmettre un peu de notre enthousiasme gréviste à des salarié·e·s encore hésitant·e·s!
***
Alors certes, il est tard. Certes, ce boulot aurait dû être fait bien avant. Mais il n’y a pas d’échappatoire. Ou bien nous parvenons à mettre autant d’énergie que celle que nous avons mise dans les blocages dans des actions de développement de la grève, ou bien nous continuons à tout miser sur une stratégie de blocage minoritaire et largement extérieure, le débouché ne pourra être qu’une guérilla face à la police; une guérilla de plus en plus réduite à un noyau militant qui finira laminé par la répression. La réforme et son gouvernement n’ont jamais été aussi impopulaires, l’occasion est encore là et les attentes des travailleurs et des travailleuses à notre égard sont immenses. A nous de nous en saisir pour provoquer à nouveau un de ces rebondissements qui ont rythmé ce mouvement.
Baptiste, militant interpro CGT
(30 mars 2023, paru aussi sur A l’encontre)
Au congrès de la CGT, la camarade Sara Selami (SSTI) pointe le « silence complice » de la FSM sur l’Iran (à partir de 8’35). Nous publierons le texte de son intervention dans le prochain numéro de La RP.
Vous devez être connecté pour poster un commentaire.