Archive for the ‘Livres’ Category

« Parcage de vieux » : sur l’enquête de Victor Castanet

janvier 25, 2023

Extrait de La RP n°819 au format pdf :

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Ukraine, solidarité syndicale en temps de guerre

décembre 11, 2022

Les éditions Syllepse viennent de publier Ukraine, solidarité syndicale en temps de guerre (84 pages, 5 €)

Des cheminot·es, des mineurs, des infirmiers et infirmières, des travailleurs d’une centrale nucléaire, des syndicalistes ukrainien·nes… confronté∙es à la guerre témoignent de leur résistance.

Leurs paroles nous sont rapportées par le Réseau syndical international de solidarité et de luttes qui, par deux fois, s’est rendu en Ukraine pour leur apporter un soutien matériel et politique.

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Un grand petit livre : Les couleurs troubles de l’enfance

septembre 30, 2022

Note de lecture parue dans La RP n°816 (mars 2022):

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Les combattantes : l’histoire oubliée des miliciennes antifascistes dans la guerre d’Espagne

juillet 5, 2022

Nos amis des éditions Syllepse publient en septembre le livre suivant (pré-commandable sans frais de port ici) :

Les combattantes (Berger Gonzalo et Balló Tània).

Les protagonistes de ces récits sont des femmes qui, venues de partout dans l’État espagnol et d’ailleurs, décidèrent d’affronter les armes à la main les militaires qui s’étaient soulevés avec Franco en 1936. Leur participation comme combattantes dans la lutte contre le fascisme fut essentielle dans la stratégie guerrière du camp républicain. Mais, au fur et à mesure que la guerre avançait, elles furent renvoyées à des tâches d’arrière-garde, allant jusqu’à discréditer leur rôle de miliciennes. Et l’histoire les oublia.
Mais qui étaient ces combattantes? Sur quels fronts se sont-elles battues? Comment ont-elles été retirées du front ? Qu’est-ce qu’elles ont fait ensuite, jusqu’à la défaite de 1939 ? Et après?
La recherche pour tenter de reconstruire leurs biographies et retrouver le rôle de ces femmes dans ces événements historiques servira de fil rouge pour retracer la guerre d’Espagne depuis une perspective de genre.

«Elles étaient nombreuses. Des femmes venues de partout, de tous les âges et de toutes les classes sociales. Des femmes qui, avec l’élan que leur accordait une ferme conscience idéologique et politique, avaient choisi de défendre la démocratie et la liberté

Nouvelle édition des « Réflexions sur les causes de la liberté et de l’oppression » de Simone Weil

mai 30, 2022

Philosophe, enseignante, syndicaliste, ouvrière, brièvement milicienne dans le Groupe international de la Colonne Durruti, Simone Weil (1909-1943) collabora activement à La Révolution prolétarienne de 1932 à 1937, y publiant notamment ses célèbres articles « Perspectives. Allons-nous vers la révolution prolétarienne ? » (n° 158, 25 août 1933) et « La vie et la grève des ouvrières métallos » (n° 224, 10 juin 1936). Parallèlement, elle écrivit aussi dans La Critique sociale de Boris Souvarine jusqu’en 1934 et rédigea cette année-là ses Réflexions sur les causes de la liberté et de l’oppression sociale, pour le dernier numéro de cette revue qui, finalement, ne vit pas le jour. Considérant ce texte comme son premier « Grand Œuvre » – le second est L’Enracinement, écrit en 1943 – il fait aujourd’hui l’objet d’une édition critique due à Robert Chenavier, éditeur de ses Œuvres complètes chez Gallimard, qui devrait intéresser toutes celles et tous ceux qui veulent éviter de « périr impuissants à la fois à réussir et à comprendre ». Nous reviendrons sur la collaboration de Simone Weil à La Révolution prolétarienne dans notre numéro de septembre.

Alger 1957. La Ferme des disparus

juillet 3, 2021

Notre ami (et abonné) Jean-Philippe Ould Aoudia vient de publier son nouveau livre Alger 1957. La Ferme des disparus (format de poche aux éditions Tirésias-Michel Reynaud). Nous reproduisons ci-dessous son interview dans El Watan:

Dans cet ouvrage, l’auteur cherche à redonner à travers une investigation minutieuse leur identité aux 3024 disparus, torturés à mort par l’armée française pendant la Bataille d’Alger en 1957. Jean-Philippe Ould Aoudia, dont le père, Salah Ould Aoudia, fut l’un des six inspecteurs des Centres sociaux éducatifs assassinés par l’OAS le 15 mars 1962, est président de l’association Les Amis de Max Marchand et Mouloud Feraoun.

  • Vous focalisez votre dernier livre (2021) sur l’année 1957. En quoi cette année et les événements, dont Alger et sa région ont été le théâtre, est-elle significative, voire singulière de la guerre de Libération nationale de l’Algérie ?

Les exécutions capitales de résistants algériens à la prison de Barberousse et les attentats commis par des extrémistes de l’Algérie française dans La Casbah ont conduit le FLN à réagir et à porter la guerre de Libération nationale dans la capitale. L’armée française a reçu mission de vaincre le FLN à Alger pour mettre un terme aux attentats. C’était en 1957.

  • A la Bataille d’Alger, terme d’usage commun, vous préférez celui d’«écrasement d’Alger». Pourquoi ce choix et qu’est-ce qui le justifie à votre sens ?

Une bataille suppose un affrontement entre deux armées. En 1957, à Alger, il y eut l’affrontement entre l’armée de la quatrième puissance mondiale de l’époque qui a aligné 20 000 soldats, face à quelques milliers de résistants algériens mal armés et pas entraînés. Les patriotes algériens et la population furent écrasés dans un combat inégal.

  • Qu’est-ce qui caractérise cette guerre subversive que vous évoquez dans votre livre contre la population algérienne de La Casbah et des autres quartiers de la capitale ? Comment l’expliquez-vous ?

L’armée française vient d’être vaincue en Indochine en perdant le 7 mai 1954 la bataille de Dien Bien Phu, qui a vu une armée populaire soutenue par son peuple battre une armée professionnelle. Les militaires français, le 1er Novembre 1954, six mois après leur défaite, sont confrontés à la même situation en Algérie. Ce qui explique que pour les paras, tout Algérien est tenu pour suspect et les quartiers à majorité algérienne qui abritent les résistants vont particulièrement souffrir.

  • Comment se sont construits les liens entre les militaires chargés d’exécuter et de faire disparaître des militants de l’indépendance de l’Algérie et les groupes armés terroristes de «l’Algérie française» qui leur ont prêté main-forte ? Quel était le rôle des uns et des autres ?

Ils avaient un but commun : garder l’Algérie française. Ils avaient des procédés communs : enlèvement – séquestration – torture – disparition des corps. Sauf que l’armée le faisait à grande échelle. Il était logique qu’ils mutualisent leurs moyens. Un proverbe dit : «Qui se ressemblent, s’assemblent».

  • L’OAS fait-elle partie de ces groupes para-militaires ?

L’OAS n’apparaît qu’en 1961-1962. L’écrasement d’Alger est déjà loin. Mais vous avez raison de poser cette question, car on retrouve dans cet épisode de la fin de la guerre de Libération la même complicité entre civils adeptes de la violence extrême et l’armée des centurions. L’assassinat le 15 mars 1962 des six dirigeants des Centres sociaux éducatifs en est l’illustration : le chef du commando de tueurs est l’ex-lieutenant parachutiste déserteur Roger Degueldre, les cinq autres assassins sont des civils, dont l’un, Gabriel Anglade, est un ancien para.

  • Robert Martel avait mis sa ferme, La Cigogne, que vous appelez la «Ferme des disparus» à la disposition de l’équipe de tueurs professionnels dirigée par le commandant Aussaresses. Quel a été son rôle ?

Robert Martel a été impliqué, d’après l’enquête conduite par le commissaire Jacques Delarue venu de Paris, dans le fonctionnement de «La Villa des Sources», un lieu privé de torture d’Algériens enlevés. Il a été de toutes les organisations terroristes françaises qui furent successivement dissoutes.

Il disposait d’une ferme de 300 hectares à Chebli et il a mis quelques bâtiments qui s’y trouvaient à la disposition de la deuxième équipe de paras, placés sous les ordres du commandant Aussaresses, chargée de la disparition des personnes mortes sous la torture dans Alger et ses environs, en particulier à l’Arba.

  • Vous écrivez que «de 1955 à 1962, Chebli et quelques fermes alentour sont emblématiques de ce que la guerre d’Algérie a connu de plus secret et de plus hideux»…

Maître Ali Boumendjel a transité dans une ferme des alentours d’Alger. Après le putsch d’avril 1961, des fermes des environs de Chebli ont servi de refuge aux généraux félons. Un charnier se trouve peut-être à la ferme La Cigogne.

  • Quelles voies juridiques et judiciaires pour la qualification et la poursuite de ces milliers d’exécutions extra-judiciaires et de disparitions forcées au regard de l’évolution du droit international en la matière ?

-Aujourd’hui, aucune action judiciaire n’est possible : pas de cadavres, pas de crimes !

  • L’ouverture des archives et la communication des lieux de sépulture des disparus torturés à mort, vous semble-t-elle aujourd’hui possible, alors que le président Macron s’est prononcé favorablement en ce sens pour que les familles puissent faire le deuil de leurs disparus ?

Il appartient d’abord à l’Algérie de faire le nécessaire pour retrouver les corps des patriotes morts de la pire des façons pour qu’elle devienne un pays libre. Les Algériens connaissent certains emplacements de fosses communes. Je dévoile la ferme La Cigogne, d’ailleurs bien connue des habitants de Chebli de l’époque comme un lieu sinistre.

  • La recherche des disparus algériens revient en priorité à l’Etat algérien. En a-t-il les moyens ?

Il y a par ailleurs un site internet – 1000autres.org – sur lequel les familles de disparus peuvent inscrire les noms de celles et ceux qui ont été arrêtés sans jamais revenir. Plus d’un millier de noms sont déjà répertoriés. Il n’est donc pas besoin des archives françaises pour dresser la liste des 3024 martyrs de la guerre de Libération à Alger, leur élever un monument et les honorer à la hauteur de leur sacrifice suprême.

Propos recueillis par Nadja Bouzeghrane

Boris Souvarine et la contre-révolution en marche

juin 7, 2021

Notre numéro 813 reproduit une courte note de Miguel Chueca à propos du livre de Boris Souvarine, La contre-révolution en marche – Ecrits politiques 1930-1934 (Smolny, 2020). Avec l’accord de l’auteur, nous mettons en ligne le substantiel article que notre collaborateur a donné à l’excellente revue Chroniques Noir & Rouge (n° 5, mai 2021) sur ce même livre.

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Vingt-cinq années aux côtés du peuple kurde

janvier 13, 2021

Note de lecture paru dans La RP N° 811 (décembre 2020).

André Métayer Vingt-cinq années aux côtés du peuple kurde. Histoire des Amitiés kurdes de Bretagne (1994-2019). Amitiés kurdes de Bretagne*, 2020.

Pourquoi s’intéresser aux Kurdes ? Pour le présent, ce ne sont pas les Kurdes par eux-mêmes qui intéressent, mais leur révolution au Rojava. Ainsi depuis sept ou huit ans, la cause kurde suscite de la curiosité en France. Encore ne faut-il pas exagérer, cet intérêt n’est souvent que compassionnel, quand il ne s’égare pas dans une exaltation qui risque fort d’être refroidie par la réalité.
Il en est dont l’engagement est plus ancien et dont la durée garantit la solidité. En des temps où nul ne connaissait le Rojava, où le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) était suspecté de stalinisme, bien avant son abandon du marxisme-léninisme et du nationalisme dans les années 2000. Des temps, où Abdullah Öcalan, son leader, était encore libre, avant d’être kidnappé par les services secrets américains et turcs en 1999, puis emprisonné à vie dans une île de la Mer de Marmara. C’était en 1994. Un petit groupe venu de Bretagne visite le Kurdistan de Turquie. Parmi eux, André Métayer. Ce qui n’aurait pu être que du tourisme militant va se muer en un engagement sous le coup de l’émotion. Voir de leurs yeux un village détruit par l’armée turque comme le furent quelque 4 000 autres dans ces années de plomb, voir un peuple entier terrorisé dans ses villes et ses campagnes par la violence militaire et policière, bouleversa ces voyageurs qui prirent la résolution de se solidariser avec ces Kurdes qui paraissaient d’éternels vaincus alors qu’ils étaient d’éternels résistants.

De retour en Bretagne, André Métayer et ses camarades fondèrent l’association qui deviendra les Amitiés kurdes de Bretagne (AKB) en 2003. Il en sera le président jusqu’au passage de témoin à Tony Rublon en 2018. C’est l’histoire de cette association qu’il nous raconte dans Vingt-cinq années aux côtés du peuple kurde. Une association plus active que jamais, parce qu’en Turquie la répression d’Erdoğan est féroce et remplit les prisons de Kurdes et de Turcs qui ne se plient pas à sa volonté. Plus active que jamais, parce que la révolution du Nord de la Syrie est en péril, abandonnée par les Russes en janvier 2018, trahie par les Occidentaux en octobre 2019, les uns et les autres, malgré leur repentance, restant prêts à ouvrir la frontière à l’invasion turque, si tel est leur intérêt. Plus active que jamais, parce que la situation n’est guère meilleure au Kurdistan d’Iran où les mollahs n’ont pas ralenti la répression, ni en Irak où le gouvernement régional kurde se débat dans d’éternels problèmes que le clan Barzani, rivé au pouvoir, peine à maîtriser. Aussi, sans faillir, André Métayer et les AKB vont-ils continuer de dénoncer la répression, alerter l’opinion publique, soutenir les Kurdes de là-bas et d’ici.

Par la relation d’événements souvent tragiques, l’évocation d’actes de solidarité, la rédaction de nombreux portraits de personnalités connues ou de militants de l’ombre, c’est l’histoire contemporaine du Kurdistan et de la Turquie qui transparaît dans le livre. Une histoire d’hommes et de femmes indomptables : de militants syndicaux, associatifs ou politiques, de députés ou maires, de fonctionnaires, d’avocats, de journalistes, d’intellectuels et d’artistes, tout simplement de démocrates prêts à perdre leur liberté, parfois leur vie, pour l’honneur de leur pays. André Métayer humanise une Turquie que l’on ne voit plus que par ses chars, ses avions de combat, ses drones, ses navires de guerre, sa soldatesque épaulée de soudards, d’islamistes, de violeurs et d’assassins. Une Turquie dont on n’entend plus que les éructations de son proto-dictateur qui rêve de reconstruire l’Empire colonial ottoman et pour cela n’hésite pas à violer le droit international, occuper ses voisins, mettre en danger la paix au Moyen-Orient et en Méditerranée.

André Métayer ne cesse de nous le faire comprendre, les Kurdes ne sont pas les ennemis des Turcs. Ils sont les ennemis du fascisme et de l’obscurantisme. Ils ne sont pas des séparatistes. Ils veulent que chaque peuple de Turquie, du Moyen-Orient et d’ailleurs puisse s’organiser librement, en bonne entente avec ses voisins, dans une fédération libertaire, ce qu’ils appellent le confédéralisme démocratique.

Pierre Bance

P. Bance est l’auteur d’Un autre futur pour le Kurdistan. Municipalisme libertaire et confédéralisme démocratique, Éditions Noir et Rouge, 400 pages, janvier 2017, et de La Fascinante Démocratie du Rojava. Le Contrat social de la Fédération de la Syrie du Nord, même éditeur, 600 pages, octobre 2020.

AKB, 30, square de Lettonie, 35200 Rennes, T. 06 75 63 71 23 (http://www.akb.bzh/).

Guérilleros, France 1944. Une contre-enquête

novembre 9, 2020

Nos amis des éditions Spartacus publient:

Malgré l’hostilité des autorités lors de leur arrivée en France en 1939, les réfugiés espagnols furent des milliers, sous l’Occupation, à mener des actions de résistance puis à participer aux combats de la Libération.

À partir de 1941, le Parti communiste d’Espagne (PCE), ayant créé une Union nationale espagnole qui se voulait rassembleuse de l’émigration, forma des groupes armés, les agrupaciónes de guerrilleros, avec un objectif double : « Libérer la France pour libérer l’Espagne. »

Dans l’été de 1944, dans les départements libérés le long de la frontière avec l’Espagne, alors que les autres combattants de la Résistance formaient des unités qui allaient se joindre aux armées alliées, les guérilleros entreprirent des actions d’infiltration en Espagne et une opération de plus grande envergure qui eut lieu en octobre 1944 dans le Val d’Aran.

Pour ces opérations, les militants du PCE eurent recours à tous les moyens pour recruter des combattants. Ils cherchèrent également à faire taire les critiques que pouvaient susciter leurs projets d’actions en Espagne. Dans ces quelques semaines de l’automne de 1944 où ils furent largement maîtres du côté français de la frontière, ils éliminèrent des opposants réels ou supposés, des crimes qui passèrent largement inaperçus dans cette période dominée par ceux commis à une toute autre échelle par les occupants nazis, le régime de Vichy et la dictature franquiste.

Henri Melich, réfugié en France avec ses parents depuis février 1939, participa aux combats de la libération de l’Aude dans un maquis FTP qu’il avait rejoint début 1944. Ceux-ci terminés, il s’enrôla dans la 5e Brigade de guérilleros de l’Aude. Au retour d’une mission d’incursion en Espagne, il apprit que le commandement de cette Brigade avait fait exécuter plusieurs de ses amis. Il n’a eu de cesse depuis que de faire la lumière sur ces assassinats et de rétablir la dignité des victimes, que leurs bourreaux et les soutiens de ceux-ci n’hésitèrent pas, pour se disculper, à accuser d’être des « traîtres », des « agents de Franco ».

Un détour de l’Histoire conduisit, dans les années 1950, les auteurs de ces assassinats à avouer ces crimes et à en révéler d’autres. Si l’étendue des éliminations commises par les guérilleros en France et leurs motivations restent à déterminer, l’enquête menée par Henri Melich et Christophe Castellano établit de façon irréfutable l’identité de 13 de leurs victimes et les circonstances de leur assassinat, et replace celui-ci dans l’histoire des relations entre le PCE et les révolutionnaires espagnols.

Avant-propos de Geneviève Dreyfus-Armand.

Série B n°205. Octobre 2020. ISBN 979-10-94106-37-2. Prix : 13 €

Lettre aux escrocs de l’islamophobie qui font le jeu des racistes

novembre 10, 2019

(paru dans La Révolution prolétarienne N°789, juin 2015)

Stéphane Charbonnier, dit Charb,  est une des victimes du massacre de Charlie Hebdo en janvier dernier. Il avait 47 ans et était directeur du journal. Deux jours avant la tuerie, il finalisait ce texte qui reprend et argumente les positions d’un journal qui, tout en luttant contre le racisme, tout en défendant les sans-papiers et le droit de vote des étrangers, défendait aussi la liberté d’expression, l’humour, le droit au blasphème, la laïcité et les droits des femmes. On a vu à quel prix. Le livre est mince et court, mais fait un peu figure de testament incontournable.

On connaît la fracture qui divise la gauche depuis l’interdiction du port de signes religieux ostensibles à l’école en 2004, on connaît parfois moins les polémiques autour du mot « islamophobie » qui voudrait entraîner la critique d’une religion (fut-ce au sein d’une critique générale des religions), ou même l’instrumentalisation politique de celle-ci, sur le terrain d’un racisme contre ses supposés religionnaires, l’islam étant censée être la « religion des pauvres ». Il y a une volonté de disqualification de la critique ou du blasphème, qui deviendraient racistes. Charb récapitule avec concision les arguments laïques qui rejettent l’utilisation de ce terme. Cette polémique traverse aussi le mouvement social. Je me souviens par exemple du Congrès de Lille de la FSU en 2010, où une tentative d’introduction du mot « islamophobie » dans les textes de congrès avait été rejetée après des échanges vifs.

Charb explique que ce sont tous les intégristes qui sont à l’affût :

« Toute victoire des musulmans intégristes dans leur lutte contre l’islamophobie est attendue à la fois avec gourmandise et jalousie par les catholiques intégristes. Lorsque, les 7 et 8 février 2007, s’est tenu à Paris le procès que trois associations musulmanes intentaient à Charlie Hebdo pour avoir republié les caricatures danoises, un seul témoin a été cité par les plaignants : un prêtre catholique. Des alliances sont possibles. Les catholiques intégristes, mais aussi d’autres, réputés plus modérés, ruminent depuis 1905 l’adoption de la loi de séparation des Églises et de l’État et rêvent d’une revanche. Ce qu’une jurisprudence accorderait aux musulmans, elle l’accorderait également aux autres croyants. »

Charb reviens aussi sur le décret instaurant un délit d’outrage au drapeau en 2010 contre lequel Charlie Hebdo avait mené campagne : il ne doit pas davantage y avoir de « blasphème antirépublicain ».

Le fait que ce texte soit posthume, dans les circonstances qu’on connaît, le rend particulièrement émouvant.

S.J.

lettrecharb